
‘My Tomorrow, Your Yesterday / Tomorrow I Will Date With Yesterday’s You‘ (ぼくは明日, 昨日のきみとデートする) est le dixième long métrage de Takahiro Miki (décembre 2016). Bien que je n’aie pas encore vu ‘Kids on the slope’, son nouvel opus sorti le 10 mars dernier au Japon, je pense que c’est un de ses meilleurs, avec ‘Girl in the sunny place’ et ‘Hot road’…
De prime abord le film est semblable aux innombrables drama et films romantiques que le cinéma japonais produit chaque année pour un public d’adolescents et de jeunes adultes. Takatoshi (Sota Fukushi), étudiant en art à Kyoto, croise la jolie Emi (Nana Komatsu) dans le train et pour lui c’est le coup de foudre. Il confesse ses sentiments, tous deux flirtent gentiment mais voilà, la jeune fille a un secret…
Déjà vu? Peut-être…tout est révélé et expliqué à mi-parcours -et le secret est de taille- tant et si bien qu’on se demande si la deuxième partie du film ne va pas être source d’ennui. Il n’en est rien, même si la fin est connue avant la fin, My Tomorrow/Your Yesterday demeure captivant.
Traitement poétique des images et des situations, émotion, qualité de l’interprétation, cette délicieuse tragi-comédie a aussi un sens profond, à savoir qu’il est sans doute louable de bien profiter du temps présent et du bonheur qu’il peut apporter car malheureusement ça ne dure pas !




Le film est vraiment du Takahiro Miki pur sucre: des tons pastels, des lumières douces, une caméra qui s’attarde amoureusement sur les personnages pour bien capturer les nuances des sentiments…
On peut considérer son cinéma comme ‘mineur’ si l’on compare ses oeuvres à celles de certains de ses contemporains (Kore-Eda, Kiyoshi Kurosawa…) mais il a un vrai talent pour transformer de simples amourettes en films qui sont bien plus que divertissants, il y a chez lui une vraie poésie et parfois une certaine gravité.
En outre, Miki a souvent la bonne idée de choisir un matériau original dans lequel un élément fantaisiste voire fantastique vient donner un peu de relief à la romance. Enfin et surtout? le réalisateur recrute presque toujours des actrices charismatiques, Juri Ueno dans Girl in the sunny place, Yuriko Yoshitaka dans Bokura ga ita, Yui Aragaki dans Have a song on your lips ou dans le cas présent Nana Komatsu.
Avertissement! Au-delà de la bande annonce ci-dessous, spoilers en masse donc si vous voulez garder la surprise (le twist en milieu de film), mieux vaut vous arrêter là et revenir une autre fois pour terminer la lecture de cette petite chronique.
bande annonce (sous titres: anglais et chinois)
A côté de ce monde, il y a un autre monde, identique, avec des gens, des vies et parfois une fenêtre s’ouvre de telle sorte que des êtres de ces mondes parallèles se rencontrent mais le monde d’où je viens ne fonctionne pas sur le même axe temporel que le tien car ton futur c’est mon passé… c’est en substance ce que révèle Emi à Takatoshi, à la quarante sixième minute du film !
Trame inversée du temps et autres complications car non seulement l’avenir de l’un est les souvenirs de l’autre mais tous deux ne se voient que temporairement, tous les 5 ans et pour une durée maximum d’un mois jusqu’à ce que la fenêtre temporelle et spatiale se referme.
Un esprit rationnel cherchera sans doute à trouver des failles dans la correspondance terme à terme des vécus, mais c’est peine perdue que de vouloir chercher à tout prix une logique et une cohérence dans les paradoxes du temps. La culture nipponne est friande de rencontres entre réel et surnaturel, entre le monde d’ici et l’au-delà et il est préférable de ne pas s’attarder sur la mathématique des séquences mais bien d’accepter pour mieux se laisser conduire par ce qui compte vraiment, l’émotion!



Et de l’émotion il y en a dans cette deuxième partie de film, un temps désarçonné Takatoshi vit mal le fait que le déroulement de la journée soit conforme à ce qu’Emi a consigné dans son journal intime, la trace de ce qu’elle a déjà vécu. Puis, comment savourer chaque instant tout en sachant que bientôt leur relation arrivera à son terme, définitivement.
Le destin a instauré cet étrange algorithme qui les a fait se rencontrer à l’âge de 20 ans, pour une relation amoureuse condamnée à l’éphémère. Ils se reverront (euh attendez? ils se sont revus) mais les circonstances, leur âge, leur relation seront autres….
Le film est porté à bout de bras par les deux jeunes acteurs, les seconds rôles sont vraiment accessoires et c’est tout juste si l’on remarque un peu plus Masahiro Higashide. Je ne suis guère fan de Sota Fukushi d’ordinaire mais même si je ne l’ai pas trouvé charismatique, son personnage est attachant et il est dans l’ensemble efficace et très crédible, à l’exception de sa scène de larmes, un peu forcée. Nana Komatsu est bien plus performante dans cet exercice.
Si vous appréciez l’actrice, My tomorrow, Your yesterday est un incontournable. Son jeu sobre, presque minimaliste mais pour autant subtil et nuancé s’y exprime pleinement. La voix, les regards, toute une palette de petites mimiques et quelques excentricités, le tout avec beaucoup de naturel, elle incarne le personnage sans aucune faille.

Le film a été bien accueilli par les critiques et le public a été au rendez-vous aussi bien au Japon que dans d’autres pays d’Asie (Corée, Thaïlande, Hong-Kong…). Dommage qu’un éditeur européen ou américain n’ait pas tenté l’aventure d’une sortie DVD, il y a un public pour ce genre de films.
- Une critique enthousiaste (en anglais) sur Asian Movie Web
Le making of: la scène où Emi sauve Takatoshi, enfant, de la noyade