Koi Ame, une délicieuse averse

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Akira Tachibana est une sprinteuse, la « star » de son club d’athlétisme. Avec un chrono de 11’44 sur 100 mètres à seulement 17 ans, elle peut envisager une carrière de sportive de haut niveau. Mais un jour, lors d’un entraînement, c’est le drame: rupture du tendon d’Achille, rêves brisés.

Fière, entière, ombrageuse et d’un tempérament plutôt solitaire, elle va peu à peu s’enfermer dans la tristesse, l’amertume et la morosité jusqu’à s’éloigner de ses camarades de club, y compris de Haruka, sa meilleure amie, interprétée par Nana Seino.

Il faut dire aussi qu’elle a fait une rencontre, un jour de pluie et de chagrin, un homme, par un simple geste à la fois amusant et bienveillant a fait plus qu’attirer son attention, il a sans le vouloir éveillé en elle un authentique sentiment amoureux… le souci c’est que cet homme, Masaki Kondo (Yo Oizumi) a 45 ans !

Akira va jusqu’à se faire engager dans le petit restaurant familial dont il est le gérant et la différence d’âge ne la gêne pas, plus le temps passe, plus elle s’éprend de cet homme simple dont elle apprécie la gentillesse. Rapidement elle lui avoue son amour, Kondo, d’abord incrédule, comprend à quel point les sentiments de la jeune fille sont profonds.

Rien de scabreux ni d’immoral dans ce qui suit, au lieu de profiter de la situation pour assouvir un fantasme d’homme d’âge mûr, il va tenter de repousser ses avances avec tact tout en lui prodiguant affection et conseils. En retour, la passion d’Akira va lui redonner l’estime de soi, quelque chose qu’il avait perdu sur le chemin de sa vie…

Ce live-action est l’adaptation du manga du même nom, écrit par Jun Mayuzuki et décliné en 10 volumes publiés entre juin 2014 et mars 2018. Mise en scène rythmée, tendresse et humour sont au rendez-vous de cette fort agréable dramédie servie par un casting irréprochable, des deux principaux acteurs jusqu’aux seconds rôles, même les plus anecdotiques.

Un montage dynamique: un cadrage sur l’école, une brève scène dans une salle de classe et le film démarre sur les chapeaux de roue: course effrénée d’Akira puis plans rapides, nerveux et rapprochés sur le quotidien à la caféteria ‘Garden’, en salle et en cuisine, où la jeune fille officie à temps partiel, un ‘baito’ comme le font beaucoup de jeunes japonais(es). Le cadre est fixé, le récit peut désormais commencer.

Akira Nagai, dont j’avais apprécié le travail dans ‘If Cats Disappeared From the World‘, son adaptation du roman de Genki Kawamura, réalise là un joli film, bien écrit et surtout bien construit. Le montage met en relief aussi bien les séquences ‘action’ que les pauses nécessaires pour les dialogues importants.

Les flashbacks indispensables à la compréhension de l’histoire sont parfaitement intégrés, l’ensemble a du rythme mais laisse au spectateur le temps de se poser, de réfléchir et de cerner la psychologie des personnages. Le metteur en scène a su trouver le bon tempo.

J’ai notamment apprécié comment sa caméra a su mettre en relation les ciels changeants, couverts, brumeux, sombres et chargés de pluie avec les humeurs, les désirs et les tourments intérieurs d’Akira. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire, ce ciel s’éclaircit pour devenir lumineux quand enfin elle retrouve sa voie vers l’espoir.



Des seconds rôles épatants: la présence d’une équipe de jeunes acteurs aux côtés de comédiens plus expérimentés tels que Yo Yoshida (la mère d’Akira) ou Mari Hamada (Kubo) est l’un des atouts majeurs du film et le terme anglais ‘supporting role’ convient bien mieux que l’appellation ‘second rôle’ pour qualifier leur contribution.

Leurs interventions et leurs personnalités apportent ça et là des touches diverses d’humour ou de tension qui enrichissent la trame et surtout ils permettent vraiment de faire briller encore davantage les deux principaux protagonistes.

Nana Seino est parfaite dans le rôle de Haruka, l’amie la plus proche d’Akira, il en va de même pour Shono Hayama, drôle en gaffeur de service ou encore Maika Yamamoto qui interprète Mizuki, la benjamine surdouée du club d’athlé, son entretien avec Akira va s’avérer décisif.

Mon coup de coeur va à Honoka Matsumoto, méconnaissable en ‘rouquine’ pétillante, elle est Yui, la collègue de travail avec laquelle Akira s’entend le mieux. A la réserve, la souffrance et le détachement de cette dernière, Yui oppose son caractère enjoué et exubérant dans un effet de contraste saisissant. Elles sont bien différentes et cependant c’est à Yui et à elle seule qu’Akira avoue son attirance pour Kondo.

Yo Oizumi: Masaki Kondo est ou plutôt se voit comme un être tout à fait ordinaire, moins que cela même. Divorcé, père d’un petit garçon qu’il voit de temps en temps, il a laissé ses rêves en route. Des rêves de littérature qui remontent à l’époque où il était étudiant et l’ami de Chihiro (Shigeyuki Totsugi) qui a réussi, lui, une carrière d’écrivain.

Quand la jeune et belle Akira lui avoue ses sentiments, il a d’abord du mal à y croire puis devant l’insistance de la jeune fille, il doit se rendre à l’évidence et s’interroge sur lui-même. Gêné, embarrassé mais en même temps troublé et ému, il va puiser dans l’amour qu’elle lui porte les ressources nécessaires pour retrouver un atout essentiel pour tout être humain, la confiance en soi.

En même temps, il décide de se comporter en adulte responsable. Là où d’autres auraient ‘profité de l’aubaine’, il va entreprendre de convaincre Akira qu’une telle relation entre un homme d’âge mûr et une adolescente n’est ni envisageable ni viable tout en veillant à ne pas blesser la jeune fille, animée par une passion aussi soudaine que pure et obstinée.

Tout le sel de l’histoire est là, dans l’évolution des deux personnages en interaction. L’intensité de la passion amoureuse d’Akira nourrit la progression de Kondo vers une renaissance, en retour la tendresse et la bienveillance de celui-ci permet à Akira de mieux cerner ses sentiments, de grandir et de trouver un chemin vers l’ambition et des projets.

Ce rôle délicat et riche en dialogues a été confié à un acteur d’expérience (plus de 50 films et téléfilms), homme de théâtre, qui s’en sort à merveille. Touchant tant il est parfois gauche et malhabile, drôle, il est le centre émouvant du film.

Nana Komatsu: Akira Nagai lui a offert là un véritable show-case. A vrai dire quand on détaille les planches du manga ou des épreuves de l’anime, qui d’autre que Nana Komatsu aurait pu à ce point ressembler à Akira? Longue chevelure noire, oeil sombre et regard intense, grande taille et silhouette à la fois svelte et sportive !

Les fans de l’actrice peuvent être ravis, d’autant plus que si on la reverra peut-être dans d’autres live-action, c’est sans doute la dernière fois qu’elle apparaît ainsi, frange et queue de cheval ou frange et longue crinière, le look habituel de l’actrice depuis quelques années déjà. Besoins de tournage (Kuru de Nakashima) et choix personnel, Nana Komatsu a opté récemment pour le cheveu court, à la garçonne…

Un nombre non négligeable de critiques souligne le caractère énergique, physique de sa performance. Elle est tout à fait crédible en sprinteuse et l’on apprend au fil des articles que l’actrice a multiplié les séances de musculation (abdos et jambes) avant et pendant le tournage.

Niveau jeu on a tout le long du film du Nana Komatsu pur sucre, ce côté ‘old school’ où voix, regards et nuances comptent davantage que des gesticulations parfois inutiles. Pour paraphraser certains critiques japonais, elle offre une incarnation posée du personnage de Tachibana Akira, riche en expressions et en émotions. Présence, charisme, l’aura d’une louve solitaire ai-je même lu, sa prestation est de grande qualité.

Les excentricités dont elle est parfois coutumière sont absentes (le rôle ne s’y prête pas de toutes façons), pas de scènes explosives comme dans Drowning Love ou Destruction Babies, en revanche elle fait preuve d’une maîtrise exceptionnelle dans ce que ses yeux et ses regards peuvent véhiculer.

Travail sur soi? Conseil de ses pairs? Directives du metteur en scène? Un peu des trois sans doute, toujours est-il que tout y passe: embarras, chagrin, colère, déception, désarroi, elle offre une palette très étendue d’émotions qu’elle fait vivre parfois en une seule tension du regard, mieux que ne le feraient deux lignes de dialogues.

A défaut d’être son meilleur film (j’ai une préférence marquée pour Kawaki ou Drowning Love), c’est assurément une de ses meilleures perfs sur grand écran. Elle est irréprochable dans ce rôle.

En conclusion, le film est-il fidèle au manga? Ce n’est pas moi qui peut vous le dire, je me suis contenté de le feuilleter et de consulter quelques planches. Nagai avait clairement indiqué qu’il souhaitait rester fidèle au texte, aux scènes, avec la plus grande rigueur, au mot près, et à en lire les critiques, les lecteurs tout comme l’auteure, la mangaka Jun Mayuzuki, cela semble bien être le cas.

Koi Ame/Love is like after the rain est un très bon moment de cinéma. Et le succès est au rendez-vous! Au moment où j’écris ces lignes, le film rencontre son public: en tête des réservations, entré au box-office en quatrième position au bout de quatre jours d’exploitation (eiga.com en date du mardi 29 mai). Les critiques ne sont pas en reste, avec une note moyenne des revues et recommendations qui tourne autour de 4/5, Akira Nagai et son duo d’acteurs vedettes ont réussi un joli coup.


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 La bande son originale, très intéressante, est disponible en CD sur CD Japan entre autres. Titre particulièrement réjouissant, la chanson du générique de fin, une reprise de « Front Memory » du groupe Shinsei Kamatte-chan, interprétée par Emiko Suzuki et produite par Seiji Kameda, le bassiste de Shiina Ringo/Tokyo Jihen.


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