Tournage de Moonlight Shadow, deuxième interview de Edmund Yeo
Le metteur en scène Edmund Yeo que j’ai eu le privilège d’interviewer récemment pour Blog Fascinant Japon a pris le temps d’accorder un deuxième entretien. Avec sa disponibilité et sa bienveillance habituelles, il répond à des questions cette-fois-ci centrées sur celle qui incarne le premier rôle dans Moonlight Shadow, l’actrice Nana Komatsu.
Dès que le projet Moonlight Shadow a été lancé, vous et votre équipe avez décidé de confier le rôle principal à Komatsu Nana. Quelles performances dans son répertoire vous ont fait penser qu’elle serait le bon choix pour incarner Satsuki ?
J’ai suivi la carrière de Nana depuis que j’ai vu The World of Kanako pour la première fois en 2014. J’ai vraiment été sidéré par sa performance à l’époque, et je savais qu’elle allait devenir quelque chose de spécial. Je pense qu’elle a réussi à tenir cette promesse en devenant au fil des ans l’une des actrices japonaises les plus passionnantes de sa génération. Elle a tourné dans différents films, de genres différents, et est restée extrêmement prolifique.
Sa brève apparition dans Silence de Martin Scorsese a été particulièrement mémorable. Sa collaboration avec Nakashima dans le film It Comes a montré combien elle a donné de l’âme et de la profondeur à une représentation initialement cartoonesque, se démarquant ainsi au sein d’un casting de stars. Depuis, elle a toujours été excellente dans d’autres œuvres que j’ai vues, comme les adaptations de mangas telles que After the Rain, Jojo’s Bizarre Adventure etc…
Par conséquent, lorsque nous avons discuté du rôle de Satsuki, Nana était vraiment notre meilleure et seule option. Nous savions très bien qu’il n’y aurait pas de Moonlight Shadow sans elle.
Comment définiriez-vous son style de jeu et sa présence à l’écran ?
Nana a une présence très particulière à l’écran, ce qui la distingue de ses pairs. Elle est capable de transmettre des pages d’émotions grâce à ses yeux. Cela la rend extrêmement polyvalente, comme en témoignent les nombreux rôles différents qu’elle a interprétés au cours de sa relativement courte carrière. Derrière le masque il y a un feu caché qui la rend très complexe.
Je pense que son style de jeu est très naturel. Elle est l’une des actrices les plus prolifiques du pays et a travaillé avec de nombreux talents au Japon comme à l’étranger, ce qui lui a permis d’affiner son art. C’est une interprète instinctive, ce qu’elle fait est donc assez imprévisible.
Comment s’est déroulée la première rencontre avec elle ? Vous êtes-vous rencontrés le premier jour du tournage ou avez-vous eu des réunions ou discussions préalables ?
Nous nous sommes rencontrés pour la première fois lors d’un entretien vidéo. J’étais encore confiné en Malaisie pendant que mes producteurs la rencontraient. À l’époque, il s’agissait d’une discussion sur la possibilité d’une collaboration.
Elle a accepté peu de temps après. Quelques mois plus tard, je me suis rendu au Japon pour le tournage du film. Nous avons eu de nombreuses répétitions et lectures du scénario avant le tournage. Ce que nous avons fait, c’est permettre aux acteurs de se familiariser les uns avec les autres, et aussi d’aller discuter avec elle des interprétations possibles de Satsuki pour Moonlight Shadow.
Avant de tourner la scène d’ouverture de Samouraï Marathon (2019) -quand son père brûle son dessin des ‘bateaux noirs’- elle a dit au réalisateur Bernard Rose qu’elle pourrait demeurer silencieuse et transmettre les émotions avec des expressions du visage plutôt qu’avec des mots, et la scène a été filmée de cette manière. Avez-vous eu des suggestions de sa part, des discussions sur les meilleures façons de traiter une scène ?
En effet, après les discussions et les brèves répétitions que nous avons eues, je me suis plus ou moins mis en retrait et j’ai laissé à Nana la liberté de faire ce qu’elle pouvait faire avec son personnage. Je me suis efforcé de lui offrir le meilleur environnement et les meilleures situations susceptibles de lui permettre de performer.
J’ai tendance à travailler de manière très libre et collaborative avec mes acteurs, et il en a été de même avec Nana. Je lui avais donné le feu vert pour improviser des répliques du scénario, afin qu’elle puisse incarner le rôle au lieu de se contenter de jouer. C’était très amusant de voir, à chaque plan, dans chaque scène, ce qu’elle allait faire. C’était plein de surprises, comme le jazz d’improvisation.
J’ai lu à plusieurs reprises qu’elle avait l’habitude de faire un saut sur le plateau même lorsqu’elle n’avait pas de scène à jouer, pour sympathiser, aider le staff ou simplement pour le plaisir d’être là. A-t-elle fait cela pendant le tournage? Peut-être que la situation due au Covid a rendu la chose difficile ?
Oui, elle l’a fait. Elle était une personne très appréciée au sein de l’équipe. En général, je préfère que mes tournages soient détendus et conviviaux, que l’on travaille ensemble comme une famille afin que chacun, du sommet à la base, puisse contribuer au projet du mieux qu’il peut. Avec Nana dans les parages, il était assez facile de maintenir une telle atmosphère pendant le tournage. Contrairement aux personnages plutôt froids qu’elle a interprétés dans certains films, elle a le sens de l’humour et s’entend très bien avec tout le monde.
Y a-t-il une ou plusieurs scènes de Satsuki dont vous êtes particulièrement fier ?
Il y a une scène avec laquelle j’ai commencé le film, c’est une performance de Nana que j’ai beaucoup aimée. Il s’agit d’une scène dans laquelle auprès d’un auditeur invisible, elle évoque ses souvenirs d’Hitoshi, la cloche qu’il portait et le son qui s’attardait dans son oreille. D’après le scénario, cette scène n’était pas censée lancer le film, mais au cours du montage, j’ai décidé de la mettre au début. Quelques nuances d’Anna Karina là !
Nous avons convenu de ne pas répéter certaines scènes émotionnellement fortes, afin qu’elle puisse spontanément ressentir ses émotions au moment du tournage.
Pour conclure, une anecdote amusante, étrange ou remarquable pour nos lecteurs?
Nous avons filmé l’une des scènes finales près d’un terrain de jeu, où de nombreux enfants s’amusaient. Nous avons fait un long travelling en suivant Nana qui passait devant ce terrain.
Les enfants se sont montrés très coopératifs et calmes lorsque la caméra tournait. Mais dès que je disais « coupez » et que nous essayions différentes prises. Les enfants criaient ‘ganbatte !’ à Nana alors qu’elle se dirigeait vers sa place. C’est une scène dramatique importante, j’ai donc apprécié l’énergie et le soutien que les enfants lui apportaient.
Membres du staff avec Edmund Yeo
Sources principales: Moonlight Shadow (site officiel du film) – Edmund Yeo (Insta)