Parasites Amoureux

Petit essai sur le film (spoilers modérés)

Dans sa chambre obscure, bardée d’ordinateurs et d’appareils électroniques, Kengo Kosaka prépare sa revanche contre le monde entier, un malware qui va perturber toutes les communications la veille de Noël. Il se rappelle le suicide de ses parents quand il avait 8 ans, les moqueries à l’école, le rejet…Kengo se lave et se frotte les mains avec frénésie, sa peur panique de la saleté et des germes (mysophobie) fait qu’il n’a pas sa place dans ce monde.

Ailleurs, Hijiri Sanagi termine un livre, allongée dans un parc. Elle rencontre des enfants, elle les déteste, eux et leurs regards scrutateurs. Hijiri ne supporte tout simplement pas d’être regardée et observée (scopophobie), elle s’est isolée du monde extérieur en portant en permanence un casque audio. Ses souvenirs à elle sont les yeux inquisiteurs d’un grand-père, un savant qui a dit à l’enfant qu’elle était, qu’elle est malade, tout comme sa mère, car un parasite vit à l’intérieur de son crâne. Hijiri pense qu’elle va mourir mais sans paniquer, elle vit avec.

La rencontre entre les deux jeunes gens paraît impossible et pourtant… Izumi, un homme mystérieux qui semble savoir beaucoup de choses contacte Kengo et lui force la main pour que non seulement il rencontre Hijiri mais qu’il prenne soin d’elle.

Après des débuts difficiles qui donnent lieu à des scènes où se mêlent dialogues tragi-comiques et effets spéciaux parfois dérangeants, le sentiment amoureux va naître. Tous deux aspirent à faire des choses normales, comme tout le monde… mais cette attirance mutuelle est-elle l’oeuvre du coeur humain ou le produit de l’influence de parasites qui vivent dans leurs cerveaux? Kengo aussi est infecté.

Parasites Amoureux…quel drôle de titre, de prime abord peu engageant pour une histoire qui au final se révèle assez belle. Un étrange et envoûtant conte fantastique porté entre autres par les acteurs.

Des figurants mais très peu de personnages secondaires en dehors d’Arata Iura (Izumi, l’homme mystérieux) et Ryo Ishibashi (Yuichi, le grand-père) c’est le duo Hayashi/Komatsu qui donne du poids au récit et aux émotions. Dans la peau de Kengo Kosaka, Kento Hayashi dresse le portrait tantôt saisissant tantôt pathétique d’un être complexe, fragile et exclu de la société dont l’absence d’empathie disparaît peu à peu au contact d’Hijiri.

Au fil des ans, Nana Komatsu est pratiquement devenue une spécialiste du ‘personnage décalé’ et avec Hijiri elle s’en donne à coeur joie. Asociale, facétieuse et abrupte, son personnage cache en fait une blessure profonde et un profond désarroi. Utilisant avec finesse tout son arsenal de mimiques et d’expressions du visage, l’actrice nous gratifie aussi de quelques scènes ‘explosives’ que l’on n’avait plus vues depuis Kuru/It comes voire Destruction Babies.

Les deux comédiens tout comme leurs personnages parviennent finalement à l’unisson dans deux scènes émotionnellement très intenses, celle dans laquelle Kosaka lit la lettre qu’Hijiri lui a fait parvenir depuis son lit d’hôpital a ma faveur…


Bande annonce


Le réalisateur a déclaré avoir voulu faire un film qui questionnerait les spectateurs sur la place qu’on accorde aux ‘minorités’, quelles qu’elles soient. Pari réussi je pense, derrière la symbolique de ces deux êtres ‘asociaux’ et la métaphore des insectes et parasites qui soit nous contrôlent ou simplement vivent avec les humains, il y a nombre de questions auxquelles il ne donne pas toujours de réponses – il n’est pas Dieu- mais qui ont le mérite d’être posées.

La scène du lac, d’une grande force visuelle et émotionnelle apporte cependant quelques éléments (pas de spoilers!)…

Derrière l’apparence de ce qui pourrait n’être perçu que comme un long et séduisant clip post-moderne il y a une oeuvre vraiment originale. Sous la surface de l’exercice de style, bien servi par une belle pellicule et une bande-son souvent d’à propos, il y a un film profond qui dit en substance que pour intégrer une société dont les normes sont parfois écrasantes il y a un prix à payer…mais ce prix à payer n’est-il pas trop élevé? Pour enfin être comme les autres, être ‘normal’, doit-on abandonner ce qu’on faisait et oublier à la fois qui on était et ce qu’on ressentait?


Liens officiels: site du filmTwitterInstagram

Interview du réalisateur pour Blog Fascinant Japon, entretien conduit début novembre avant la sortie du film: Parasite in Love.

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