Cosmopolitan Japan a publié une longue interview de Nana Komatsu, mercredi dernier, 1er avril. La jeune actrice y parle de son rôle dans Ito, le prochain film de Takahisa Zeze, et fait le point sur sa carrière d’actrice. Simple et humble comme à l’accoutumée, elle parle aussi d’elle-même et de ce qu’elle aime. En voici la traduction*, en français.
*traduction dont le seul but est de permettre de mieux faire connaître l’actrice auprès du public francophone.
L’article original en japonais peut-être consulté ici: Cosmopolitan Interview. (Photos Cosmopolitan par Koichiro Inomata, article de Shiho Atsumi)
Sincères remerciements à Cindy sans laquelle cette publication aurait été difficile voire impossible, elle a fait l’essentiel du travail de traduction.
Interview
j’aimerais séparer mon travail de ma vie personnelle
Ce nouveau film dépeint la vie d’un homme et d’une femme nés pendant l’ère Heisei. Pour vous, comment était cette ère ?
L’ère Heisei est celle dans laquelle je suis née. Ce qui m’a le plus marquée, c’est le début de ma carrière. J’ai commencé lors de ma dernière année au lycée avec le film ‘Kawaki / The World of Kanako’ et ai démarré une carrière d’actrice, mais jusque là je n’avais aucune idée précise de ce que je voulais faire. Et même si je me disais ‘je veux devenir ça’, en réalité cela restait très flou. Cependant, en commençant à jouer je me suis dit ‘je vais faire de mon mieux dans ce métier’. Et je pense que c’est à ce moment là que j’ai réalisé: ‘j’ai trouvé ce que je veux faire’.
N’est-ce pas un sentiment étrange de se dire que nous allons changer d’ère ?
Ca l’est. Voir dévoilée à la télévision, la feuille avec écrit le nom de la nouvelle ère, « Reiwa », je ne pensais pas que j’assisterais à un tel évènement un jour, que je vivrais le changement d’une ère.
Cette fois vous jouez Aoi, le personnage principal, de ses vingt ans à ses trente ans. C’est aussi une personne qui a eu une enfance difficile. Quels aspects vous ont posé problème ?
Oui, j’ai cette fois-ci joué un personnage de ses 20 ans à la trentaine, et jusqu’à maintenant je n’avais jamais eu le rôle d’un personnage ayant plus de 30 ans. J’ai donc commencé par me questionner sur ce que ça fait d’avoir 30 ans.
Dans son enfance, Aoi a été blessée par sa relation avec ses parents et a ensuite vécu dans la solitude. Cela aurait donc été bizarre d’en parler de manière légère, mais ça n’aurait pas été très bon non plus de devenir trop sombre. J’ai souhaité qu’on la voie comme une femme qui fait simplement de son mieux pour réaliser ses rêves et s’accomplir dans son travail.
Je me suis dit qu’il fallait que je devienne la Aoi dont le public penserait ‘je suis content que ça se soit terminé comme ça’ au moment de ses dernières retrouvailles avec Ren, son amour d’enfance qui est décrit en parallèle dans le film.
Aoi Sonoda dans Ito
Comparée à Ren, la vie d’Aoi est pleine de hauts et de bas. Des personnes semblent apparaître pour lui venir en aide et finalement non. Et pourtant elle continue de vivre et d’avancer. Ce côté « forte » vous ressemble-t-il ?
Aoi est une femme à la fois forte et qui a le sens de la justice, mais je ne me suis jamais considérée moi-même comme une personne forte. Il se peut que je n’aie jamais vraiment non plus ressenti le besoin d’être aidée par quelqu’un ou que l’on fasse quelque chose pour moi. Bien sûr il est parfois important de savoir compter sur les autres, mais je suis du genre à vouloir me débrouiller entièrement seule si j’en suis capable. Et évidemment, si quelqu’un est dans le besoin je veux lui venir en aide.
Mais c’est bien qu’Aoi n’aborde pas sa propre vie d’une manière aussi sombre...
A travers ce film, j’ai réalisé que les humains sont forts. La vie n’est pas quelque chose que l’on vit seul, et tout le monde vit en étant soutenu par quelqu’un d’autre. Mais vraiment, les humains sont capables d’avancer par eux mêmes. De mauvaises choses arrivent, mais il est aussi possible que de bonnes choses arrivent. Si nous pouvons être aidés, nous sommes aussi capables d’aider. C’est ça vivre. J’ai de nouveau ressenti qu’il n’existe pas de vie sans difficultés.
Dans les rôles que vous avez joués jusqu’à maintenant, y en a-t-il un que vous voyez vous ressembler ?
Plutôt que proche de ma personnalité, je dirais que le rôle que j’ai aimé est celui de Leo dans ‘Sayonara Kuchibiru’. Ce n’était pas une fille si violente mais il m’a semblé que son caractère brusque et maladroit ressemblait au mien. C’est peut-être pour cela que j’ai tant d’idées qui me viennent en jouant. C’était très amusant de réfléchir à la façon de rendre le tout intéressant. Et depuis ce rôle j’ai l’impression que mon jeu d’actrice s’est libéré.
Leo dans Sayanora Kuchibiru/Farewell Song
Qu’est ce qu’un caractère maladroit ?
Je ne suis pas très habile. Quand par exemple on me dit comment jouer une scène, je n’arrive pas à tout retenir d’un coup. Je pense que je suis gauche, mais on me le dit aussi souvent. Je dois faire des efforts sur beaucoup de points.
Quand on regarde vos films, plutôt que maladroite, on se dit plutôt que vous avez du courage.
‘Commençons par essayer. On aboutira sûrement à quelque chose’ se dit une part de moi-même. Il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas si on n’essaie pas, il n’y a pas à avoir honte. Et on peut se dire que peu importe l’embarras, ça n’a pas d’importance.
Cette année, cela fait 10 ans* que vous avez fait vos débuts en tant qu’actrice, il y a-t-il du changement dans votre vision de la carrière d’acteur ?
Je sens qu’elle change, petit à petit. Au début j’essayais à tout prix d’exprimer les émotions, par exemple dans une scène avec des pleurs, je me demandais ‘comment faire pour que viennent les larmes’. Mais ces dernières années, ce n’est plus une question de larmes qui coulent ou ne coulent pas, mais d’exprimer un sentiment en me concentrant sur les évènements passés et à venir, ainsi que sur les paroles des interlocuteurs.
Ce changement est lent, mais je ressens une évolution progressive. Bien sûr, il y a beaucoup de thèmes et donc il m’arrive de m’irriter de mon propre jeu, ou ne pas pouvoir le regarder de manière objective.
(* Nana Komatsu est en fait dans le monde de l’entertainment depuis 12 ans -2008- mais actrice depuis seulement 6 ans.)
Cosmopolitan est un média visant à ce que toutes les femmes soient fortes et belles, mais qu’est-ce qui fait, selon vous, la force et la beauté d’une femme ?
Ne serait-ce pas le fait d’avoir ses propres opinions et pensées ? A l’étranger, on nous demande ‘Et toi, qu’en penses-tu ?’ et on entend aussi que si on ne peut pas répondre, nous ne sommes pas considérés comme étant de taille. Selon moi, c’est une bonne chose que les japonais soient capables de voir ce qui les entoure, mais quand vous participez à des œuvres internationales, les personnes à l’étranger vont de l’avant d’elles mêmes, il est nécessaire d’émettre son propre avis, et d’avoir confiance en soi. Je pense que c’est ça être indépendant. Il y a une grande part en moi qui me dit ‘tu dois changer encore plus’.
Avez-vous une existence à laquelle vous pouvez aspirer ?
Actuellement, je suis ambassadrice de Chanel et j’ai étudié son histoire. J’admire la façon de vivre de Coco Chanel. A une époque où de nombreuses choses n’étaient pas permises pour les femmes, elle a gardé sa propre opinion tout en étant très critiquée, et a apporté des changements à son époque. L’idée de ‘créer l’histoire’ par sa propre force est belle, non ?
Vous aussi Mlle Komatsu, vous souhaitez créer quelque chose ?
J’aimerais réussir à créer quelque chose. Même si ça n’est pas quelque chose d’important, si je pouvais devenir une personne qui donne la volonté de devenir actrice, ce serait bien.
J’ai entendu dire que vous êtes apparue dans une émission spécial Chanel que vous aviez vous-même coordonnée. A quels détails vous êtes vous attachée ?
Il y a énormément de gens beaux et élégants, et je ne peux pas rivaliser dans ce domaine, donc j’ai voulu exprimer ce qui me ressemble. Chaque fois, je réfléchis beaucoup lorsqu’on me laisse apporter des changements et cette fois j’ai adopté un jean en partie parce que j’ai pensé que ‘si je porte ça, ça aura l’air moderne’. Jusqu’à lors je n’aurais jamais choisi une longueur trop importante, mais j’ai pensé que je pourrais essayer cette fois-ci. Ensuite j’aime les vêtements de seconde main, donc j’ai proposé de combiner avec mes propres chaussures et un de mes T-shirts. Maintenant que je suis ambassadrice, j’aimerais valoriser les marques par ce que je porte.
Pensez-vous aussi à la façon de vous présenter en tant que sujet ?
En tant que personne photographiée ou filmée, on ne s’habitue pas aux photos, ou aux films. Je comprends mieux certains aspects comparé à mes débuts, mais je suis toujours nerveuse. Cependant, je ne réfléchis pas consciemment à par exemple ‘comment montrer ça’. A notre époque, il est sûrement important de se montrer au monde et de savoir comment on veut se montrer, mais je ne veux pas être non plus être prisonnière de mon image. Quand on dévoile toute notre vie privée, j’ai le sentiment qu’en dehors du travail notre place disparaît.
Vous prenez aussi des photos, comme passe-temps ?
Je m’intéresse aussi beaucoup aux coulisses, ou plutôt à l’aspect production. Même sur le terrain, j’aime me demander ‘cette personne, que fait-elle ?’, en l’observant. Je ressens aussi l’envie d’essayer à mon tour. Je veux être quelqu’un qui peut regarder les gens avec intérêt, dans différentes professions.
Ressentez vous du plaisir et de l’excitation à prendre des photos et à être dans le rôle du photographe ?
C’est peut-être parce que je prends mes photos librement, mais la perspective et les points sur lesquels je porte mon attention et dont je me soucie changent. Ca n’est pas parce que je veux montrer mes photos, mais parce que je veux les garder en tant que souvenirs. De nos jours, on peut faire des captures d’écran, donc je prends des photos que j’aime et qui sont importantes pour moi sans les poster n’importe où. Mais j’aimerais en faire quelque chose un jour.
J’aime l’idée de valoriser le « personnel ».
C’est peut-être parce que nous sommes dans une société, une époque où il est difficile de garder une telle chose pour soi. Mais en tant qu’actrice, je pense qu’il est absolument important d’avoir cela. Je sais que chaque personne est différente, mais je ne pense pas que ce soit bon de tout montrer, et j’aimerais séparer mon travail de ma vie personnelle. J’estime qu’il y a des choses dans le monde qu’on n’a pas besoin de savoir ou de voir, et que cela nous permet peut-être aussi de nous préserver psychologiquement.
Il est également important de garder ses secrets.
Ce n’est pas que je cache quelque chose. On parle souvent de moi comme d’un ‘personnage mystérieux’, cependant ce n’est pas vrai du tout concernant ma personnalité (rires). Mais honnêtement, je ne peux rien faire vis-à-vis de ce que le monde pense de moi, et je pense que je devrais laisser libre cours aux pensées. Seulement, il est plus facile pour moi de rester moi-même, à l’écart de cela. Je pense qu’il est difficile de se créer une image, et que c’est dans ce cas là que l’on souffre.
Avec le cumul des années d’expérience, vous demandez vous quel genre d’actrice vous voulez devenir quand vous serez plus âgée?
Je pense que j’aimerais voir plus de ‘moi-même’. En ce moment, je veux persévérer sur les choses qui se présentent à moi, mais je n’arrive pas du tout à imaginer l’avenir. Je pense que c’est pareil dans tous les métiers, mais le métier d’acteur est un peu particulier, et chaque expérience est très intense. Il y a autant d’aspects amusants et excitants que d’autres très difficiles.
Tout comme ma carrière d’actrice a commencé à un moment inattendu, peut-être que de nouvelles choses arriveront aussi. Je n’ai encore que 23 ans, je veux me concentrer sur moi-même sans décider de l’avenir.
merci pour l’effort considérable !
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