Sakura ! C’est un pétale de fleur de cerisier que la petite Miki ramasse alors qu’elle tient dans ses bras un chiot qu’elle et ses deux frères viennent de récupérer d’une portée. Le petit animal s’appellera donc Sakura et deviendra le témoin discret mais néanmoins omniprésent et attentif de la vie de la famille Hasegawa.
Gentille petite famille d’ailleurs, tout ce qu’il y a de plus conventionnel. Le père a un emploi stable, le couple s’occupe avec tendresse de leurs trois enfants, dans un esprit de dialogue comme l’attestent certaines discussions à table sur le pourquoi et le comment de leur venue au monde. Le temps passe, les enfants grandissent.
Hajime (Ryo Yoshizawa) est l’aîné, un jeune homme brillant, joueur de base ball et extrêmement populaire au lycée, notamment auprès des filles. Hajime fera sans nul doute de belles études. En comparaison, Kaoru, son jeune frère, paraît bien terne. Réservé et vraiment peu loquace il traîne son air maussade partout où il va. Enfin il y a leur jeune soeur Miki, dynamique, impétueuse mais parfois puérile et imprévisible, elle voue à Hajime un véritable culte.
Le film démarre à l’instant présent et on comprend vite que quelque chose ne tourne pas rond. Alors que le père revient d’une promenade avec le chien, le cadet ne dit rien, ne le salue pas, il ne manifeste de l’intérêt que pour Sakura.
C’est là une partie de la force de ce film, une narration qui brise le tracé linéaire par succession de flashbacks très bien amenés. Le spectateur reconstruit la trame événementielle et s’approprie la psyché des personnages grâce à une construction habile, agrémentée d’une belle bande son, terriblement efficace car sans être intrusive elle contribue grandement à l’émotion.
Les notes de piano s’égrènent par séquences successives telles des marqueurs annonçant un nouvel événement et un cran de plus dans la descente vers la destruction de la cellule familiale et de son intégrité. La pellicule est belle également et le metteur en scène utilise volontiers quelques artifices pour fixer l’attention: arrêts sur image, noir et blanc, changements de teintes et de couleurs…
Quelques spoilers modérés pour entrevoir de quoi il retourne: le père a quitté le cocon familial un certain temps, infidélité(s)? Hajime a été la victime d’un terrible accident. Kaoru a découvert la sexualité avec une fille que tout le monde surnomme avec mépris (et envie?) ‘Vestibule’ (玄関). Miki? Il est préférable de ne rien dire, sa psychologie et son cheminement sont de vraies surprises tragi-comiques.
L’interprétation est remarquable et il est juste que les trois jeunes acteurs se partagent l’affiche du film car il n’y a pas vraiment de premier rôle, le temps à l’écran de chacun étant sensiblement le même. Ce temps de présence est également conséquent pour l’actrice Shinobu Terajima et Masatoshi Nagase. Tous deux sont des comédiens chevronnés, avec plus de 60 films ou drama à leur actif, ils sont parfaits dans les rôles respectifs de la mère et du père.
Takumi Kitamura, en plus d’être le frère cadet, s’est vu confier la place du narrateur, il guide le spectateur dans ce voyage à travers le temps et les événements marquants du clan Hasegawa. Sa voix peut sembler monocorde mais elle convient bien à son personnage désenchanté, marqué par le destin tragique de l’aîné et sidéré par les frasques parfois invraisemblables de sa jeune soeur Miki, cruelle mais sans réelle méchanceté, perturbée sans être folle.
Ryo Yoshizawa assume bien le rôle du jeune homme idéal qui voit son destin et son image brisés à jamais et c’est dans la deuxième partie du film que Nana Komatsu crève l’écran. Le cataclysme qu’est pour Miki la disparition de l’aîné, tant admiré et aimé, la fait exploser émotionnellement. Elle a toujours excellé pour interpréter des personnages décalés mais là son errance comportementale atteint des sommets dans plusieurs scènes.







Cette adaptation du roman de Kanako Nishi (publié en 2005) est assurément un des meilleurs films de Hitoshi Yazaki, metteur en scène relativement peu connu et pourtant si souvent inspiré. Plus accessible que Strawberry Shortcakes, son ‘célèbre’ opus de 2006, mais plus complexe et plus dense que Sweet Little Lies (2010) ou plus récemment Still Life of Memories (2018), Sakura est un très bon moment de cinéma, à la croisée du cinéma populaire et du film d’auteur.
Site Officiel : Sakura Movie (japonais)
Sortie en salles (Japon) : 13-11-2020 – Sortie DVD (Japon) : 12-05-2021
mini galerie Miki Hasegawa






